En 2001, vous avez revu l’aménagement liturgique de l’église Saint-Ignace. Quelle a été l’origine de ce projet ?
J’avais été appelé par le père Jean-Marc Furnon, chapelain de cette église à l’époque. Il trouvait vraiment difficile de présider l’eucharistie face à une trentaine de rangs de chaises en enfilade, dont les 20 premiers étaient souvent presque vides et se demandait comment signifier et réaliser la communion entre les fidèles rassemblés pour qu’ils fassent corps.
L’église Saint-Ignace a été conçue sur un plan basilical, l’un des plans des premières églises chrétiennes au IVème siècle, calqué sur celui des basiliques romaines, grandes halles couvertes, lieux assez polyvalents de rassemblement public. On s’y rassemblait librement debout, pas de sièges à l’époque, pour écouter la Parole, et participer au sacrifice eucharistique. Les sièges pour les fidèles n’apparaissent dans les églises que très progressivement, à partir du XVIIème siècle, donc après le concile de Trente. Et leur disposition ne va jamais être vraiment pensée dans la liturgie. La transformation spatiale des églises suite aux grandes affirmations du concile de Trente, la présence réelle dans l’eucharistie et le rôle du prêtre, va se traduire notamment par la mise en place de tabernacles en majesté dans l’axe des édifices, posés sur l’autel du sacrifice, le prêtre célébrant alors face à celui-ci. Lorsque des sièges seront installés dans les églises, ils seront placés pour installer les fidèles en rang derrière le prêtre pour l’accompagner dans la célébration, même si à l’époque on retourne sa chaise au moment de l’homélie en chaire. Le concile Vatican II rappelle que l’action liturgique est l’action de toute l’assemblée formant corps, le corps mystique du Christ s’offrant au père par les mains du prêtre. Il pose donc, pour la première fois dans l’histoire depuis que les sièges ont envahi les églises, explicitement la question de la forme de l’assemblée et de son rapport aux autres manifestations de la présence du Christ vivant : l’autel, la Parole, le prêtre. C’est cela qui était en jeu dans la réflexion communautaire des Jésuites et du chapelain en 2001 à Saint Ignace. Le simple retournement de l’autel avait transformé le lieu en simple salle de spectacle, il s’agissait de lui redonner une forme propre à signifier l’Eglise.
Vous avez ensuite mis en place cet aménagement à Saint-François-de Molitor, rencontre-t-il une adhésion ?
A ma connaissance la communauté paroissiale est très attachée à cette église. Voir le visage de l’autre plutôt que sa nuque permet sans nul doute de mieux y contempler le Christ présent dans chaque personne. Les moines le savent bien eux qui se font face 6 heures par jour dans leur église et se répondent par le regard et par le chant.
Récemment, vous avez poursuivi l’aménagement de l’église Saint-Ignace…
En effet, le chapelain actuel, le père Henri Aubert, souhaitait parachever l’œuvre de ses prédécesseurs. Dans le prolongement de la nef, le chœur accueille un espace d’adoration devant le tabernacle. Celui-ci était séparé du lieu de la célébration eucharistique par plusieurs marches. Afin que le tabernacle ne soit plus séparé de l’autel, nous avons remplacé les marches par une pente douce. Ainsi sont unifiés l’espace de l’adoration eucharistique et l’espace de la célébration.
La rénovation de l’église a été complétée par un projet de mise en lumière, lequel ?
Ce projet, confié au sculpteur de lumière Patrick Rimoux, était double. D’une part une mise en lumière de l’architecture : grâce à un ravalement complet, les murs, les colonnes et les voûtes ont retrouvé leur clarté et peuvent donc faire résonner la lumière. D’autre part une création de « verres de lumières » placés dans les baies du triforium, actuellement aveugles, pour mettre en valeur la verticalité de l’édifice. Le projet consiste à donner vie à ces fenêtres grâce à des pièces monumentales constituées de verre feuilleté peint, calligraphié et illuminé. Les jésuites ont constitué un groupe de réflexion pour travailler le sens et la forme et accompagner Patrick Rimoux dans la conception de l’œuvre. Le thème – ambitieux – de toute cette composition est de présenter les Exercices spirituels de saint Ignace de Loyola. Actuellement, trois fenêtres doubles situées sous l’orgue au-dessus du narthex ont été réalisées. Elles évoquent les verbes contenus dans la première phrase des Exercices spirituels : « L’Homme est créé pour « louer, respecter et servir » Dieu, notre Seigneur, et par ce moyen sauver son âme ».