Des puzzles en trois dimensions
Le long d’un autre mur, sont entreposés les moules soigneusement dénommés et numérotés à l’encre rouge ou noire : Femme inconnue, n°405. Une collection unique qui continue de s’agrandir. « Vous avez devant vous des puzzles en trois dimensions. Certains sont composés simplement de deux pièces, d’autres comme cette Diane chasseresse, peuvent être riches de quinze pièces voir de deux-cents pièces comme ce petit cheval du XIXe siècle, un vrai casse-tête pour le mouleur qui l’assemblera ! » Celui de l’ange, qui était situé au sommet de la chapelle du château du Lude, est composé de six pièces : deux pour le corps, deux pour les mains et deux pour les ailes. Cette girouette en cuivre du Moyen-Âge avait été déplacée au musée de Cluny au milieu du XIXe, puis vendue à la Frick collection de New-York. On peut désormais en obtenir une reproduction !
Environ 3000 moules scrupuleusement dénommés et numérotés constituent une collection privée unique. (AC/CDC)
La technique du moule à bon creux (ou moule à pièces), qui a connu un grand développement à La Renaissance, n’est pas la seule employée à l’atelier. « Vers 1830, a été inventée un autre procédé grâce à l’usage de la gélatine, souligne le directeur. À l’époque, pour obtenir cette matière souple qui épouse parfaitement les formes, on faisait bouillir des os d’animaux et de la peau de lapin, puis on ajoutait à cette réduction du formol. Vous imaginez l’odeur épouvantable qui s’en dégageait ! Aujourd’hui on emploie du silicone, comme pour les moules à gâteaux. Plusieurs couches de cette matière sont passées au pinceau pour obtenir une épaisseur d’environ 2 cm. Pour donner une meilleure rigidité à ce silicone, on le renforce de chapes de plâtre ». Ces moules donneront naissance à des moulages d’art en plâtre ou en résine.
Face à cette caverne d’Ali Baba, s’ouvre un vaste atelier largement éclairé. Une apprentie et une mouleuse statuaire, Perrine Sastre Miralles, s’activent. « Extraites de leur moule, les reproductions nécessitent une finition. C’est la partie la plus délicate du travail. Il faut gommer les imperfections, les traces laissées par des bulles et lever les coutures provoquées par l’assemblage des pièces du moule », précise Perrine Sastre Miralles. « Chaque pièce obtenue est légèrement différente s’apparentant plus à une édition qu’une reproduction parfaite », complète Éric Nadeau.
Perrine Sastre Miralles, mouleuse statuaire, peaufine chaque pièce. (AC/CDC)
Les techniques ne cessent d’évoluer. Le directeur a donc développé un atelier d’impression 3D. Ce sont des robots qui travaillent la résine. « Grâce à cette nouvelle technique, je peux recréer la surface de la Lune à partir de données exactes », s’enthousiasme-t-il.