À l'origine des musées
Musée, un terme qui évoque un lieu profane, un lieu séculier et ouvert à tous. Et pourtant, c’est un pape qui serait à l’origine du terme « museo ». Nous sommes en 1471. Sixte IV fait don de la collection d’antiques qui appartenaient à la papauté depuis des siècles. Krzysztof Pomian raconte qu’un « groupe de statues anciennes en bronze est installé au Capitole, dans le palais des Conservateurs, siège des autorités municipales de Rome. Il s’y trouvait notamment la Louve, emblème de la Ville ». Il ne s’agissait pas alors d’un geste altruiste mais bien politique. « Son trésor étaient constitué d’objets d’origine païenne qui servaient de symboles du pouvoir. Ils avaient donc un caractère séculier. Leur transfert à la municipalité de Rome avait pour but de lui montrer que le pape la tenait pour partenaire ».
Une œuvre de trente ans
Krzysztof Pomian a consacré trente de sa vie à écrire Le musée, une histoire mondiale. À 86 ans, il vient de publier chez Gallimard (collection Bibliothèque illustrée des histoires) le premier tome intitulé « Du trésor au musée ». Deux autres paraîtront en 2021 : « L’ancrage européen I 1789 -1851 » puis « À la conquête du Monde I de 1851 à nos jours ».
Un ouvrage richement illustré
Ce volume ponctué d’illustrations et de références aborde l’histoire des musées depuis les trésors amassés des villes grecques jusqu’à l’époque des Lumières. Le chapitre III s’intitule « L’or et la grâce » et rappelle l’importance des trésors ecclésiastiques depuis les temps paléochrétiens. « Partout, ces trésors matérialisent la foi ; tout comme les bâtiments destinés au culte, ils sont la preuve de la détermination des fidèles à sacrifier leurs biens terrestres pour la plus grande gloire de Dieu et de son Église ».
Nombreux sont les évêques et les moines qui ont accumulés des trésors. Krzysztof Pomian consacre plusieurs pages à l’abbé Suger, à l’origine de la basilique de Saint-Denys, qui, écrit-il « conduit une véritable campagne d’acquisitions. » Le prélat avait accumulé un trésor d’or, d’argent, de perles et de pierres précieuses nécessaires à la décoration de l’église selon « un véritable programme décoratif ». L’abbé parle, rappelle l’auteur, de la « délicatesse raffinée de l’art des orfèvres » ou de la « main exquise de nombreux maîtres» verriers. Quand Suger exprime ce qui lui «tient particulièrement à cœur : que les objets de plus grande valeur, les plus précieux, doivent avant tout servir à l’administration de la très sainte Eucharistie».