Sainte-Odile, l’œuvre d’un Alsacien Pierre Lermite
Samedi 27 novembre 2021, en partenariat avec Art, Culture et Foi : visite guidée de l’église Sainte-Odile. Découvrez l’œuvre de François Décorchemont, vitrailliste de l’église.
Son clocher de 72 mètres est le plus haut de Paris. Bâtie par un architecte de 30 ans, Sainte-Odile est dédiée à la patronne de l’Alsace. Elle recèle des merveilles d’art sacré et est l’œuvre de Mgr Edmond Loutil qui mènera une campagne médiatique sans précédent pour permettre son édification.
À 9h30 : Visite guidée de l’église Sainte-Odile et conférence sur le thème « François Décorchemont (1880-1971) un créateur original dans l’univers du vitrail de l’église Sainte-Odile » en partenariat avec Art Culture et Foi Paris.
Une église aux portes de Paris
Dessin humoristique paru dans le journal La Plaine montrant Mgr Edmond Loutil, dit Pierre Lermite,.
« Je vous demande de bâtir une nouvelle église dans le 17e arrondissement aux portes de Paris ». C’est ainsi qu’au printemps 1934, le cardinal Verdier s’adresse au chanoine Edmond Loutil, curé de Saint-François-de-Sales. A l’époque, les Chantiers du Cardinal ont 60 églises à finir de construire et sont en difficulté pour les financer. « Avec tous ces chantiers que j’ai en cours (c’était le 106e), je ne vous donnerai pas un sou ! ». Sainte-Odile, chantier « in partibus », n’a donc rien coûté aux Chantiers du Cardinal.
Le curé bâtisseur a compris qu’il devrait se débrouiller seul… ou presque. Un terrain avec bail emphytéotique lui est octroyé à la Porte Champerret par le conseil de Paris. Le premier coup de pioche n’a été donné que la future église des Alsaciens a en effet déjà un nom : Sainte-Odile. Il répond ainsi au souhait de sa mère, prénommée Odile qui lui aurait dit : « Et dire que je vais mourir et que tu n’auras rien fait pour l’Alsace ! »
Des chroniques et des concerts
Âgé de 71 ans, à l’ouverture du chantier, Mgr Loutil mène une campagne médiatique sans précédent. Journaliste à La Croix, romancier, il se sert de ses chroniques sous le pseudonyme de Pierre Lermite pour solliciter les bonnes âmes : « Toute offrande qu’on m’enverra est une pierre immédiate qu’on pose […] Si chacun de mes lecteurs, si chaque Odile du monde… ». Pierre Lermite n’hésite pas à glisser dans ses chroniques le numéro de son compte chèque postal.
La Bonne Presse lui donne une large place, faisant à de nombreuses reprises du projet la couverture du Pèlerin et de La Croix. Faisant feu de tout bois, quand il endosse sa casquette de curé de Saint-Francois-de-Sales, il sollicite très régulièrement ses ouailles dans son journal paroissial La Plaine.
Le chanoine Edmond Loutil aidé par l’abbé Girod de l’Ain s’était engagé « à fournir au cardinal Verdier les fonds nécessaires à l’édification d’une église dédiée à l’Alsace redevenue française le monument qu’elle mérite » soit 2 millions d’euros.
La bénédiction du terrain par le cardinal Jean Verdier a lieu le 24 mars 1935. Les travaux devaient durer trois ans. Interrompus par le Front populaire en 1936, des grèves et la guerre, ils durèrent onze ans !
L’ode à l’Alsace est omniprésente
Vitrail de François Décorchemont. Détail représentant sainte Odile.
Ventes de charité, expositions d’art sacré, concerts, tout est opportunité de réunir des subsides… Mgr Loutil fait venir la chorale de Strasbourg pour un concert à Notre-Dame et plus étonnant dans la salle du conseil de l’Hôtel-de-Ville de Paris. Les nombreux Alsaciens qui ont fui leur région au moment de la guerre de 1870 se pressent à tous les événements. L’église leur sera destinée dans sa partie basse pour leur servir de lieu de pèlerinage. La fête de la sainte, le 14 décembre, donne aujourd’hui toujours lieu à un rassemblement.
Celui qui aura la charge de cet ambitieux projet est un architecte de 30 ans, diplômé depuis simplement quatre ans, Jacques Barge. Originaire de Châteauroux dans l’Indre, ce catholique convaincu, considère que la construction d’une église est un acte de foi. Il conçoit un édifice aussi long qu’élevé. Son clocher de 72 mètres, le plus haut de Paris, domine la ceinture rose de Paris. Sa longueur représentative des 72 disciples envoyés par le Christ, est équivalente à la hauteur de son clocher. Ce dernier est séparé du reste de l’église pour éviter de l’ébranler lorsque le carillon de 23 cloches, complété par trois grosses cloches, sonne. Au-dessus de la nef, trois coupoles en file faites d’un voile mince de béton protégé de cuivre. Elles symbolisent le Fils, Dieu le Père et le Saint-Esprit. L’église est construite en béton revêtu de grès rose et de briques. Dessous, une immense crypte est destinée à accueillir les Alsaciens de Paris où ceux venus en pèlerinage.
Un enfant est né dans le clocher
Robert, Michèle Barriot et leurs enfants sur la terrasse de Sainte-Odile.
Proche des artistes chrétiens, le curé bâtisseur sait attirer de nombreux talents pour offrir à Sainte-Odile un ensemble d’œuvres d’art sacré remarquable. Il n’hésite pas à héberger Robert Barriot et sa famille dans le clocher pendant dix ans. Le céramiste put ainsi réaliser le plus grand retable du monde en émail sur du cuivre repoussé : l’Apocalypse selon Saint-Jean.
« Frédéric Barriot vient de naître dans un clocher », titrait le Berry républicain, le 16 mai 1952. Le nouveau-né est le quatrième enfant de Robert Barriot qui vécut avec sa famille pendant quinze ans dans l’auditorium situé au-dessus du porche. Il fallait gravir 110 marches pour accéder à cet « appartement-atelier » où les jouets côtoient les maillets de buis.
Le céramiste avait passé un contrat avec Mgr Loutil qui stipule qu’il doit travailler à pied d’œuvre, comme les artisans du Moyen-Âge.
Le soir, quand la Porte Champerret s’endort, l’artiste descend avec sa femme Michèle dans la crypte. Un four électrique géant, qui monte à 1100 °C, les attend. Michèle surveille la délicate cuisson des couleurs pendant que Robert mélange les chaux et les étale sur les plaques. L’émail utilisé est son invention. La chromatique obtenue est faîte d’une variation de teintes infinies. En remerciement de cet hébergement, l’artiste offre au curé deux coqs en cuivre de la taille d’un poney. L’un des deux est installé sur le clocher. Il sera mitraillé à la Libération par des résistants qui avaient cru voir des miliciens réfugiés dans le clocher.
Le retable de Robert Barriot, la plus grande pièce en émail au monde. Devant, le tabernacle de Charles Mellerio et le maître-autel d’Auguste Labouret.
Un chef d'oeuvre d'art sacré
Trois grandes verrières composées de cinq tonnes de cristal, d’une superficie totale de trois cents mètres carrés, de François Décorchemenot magnifient l’histoire de la sainte et des grands saints de l’histoire des Gaules.
Métamorphosée au cours des ans par de nombreux artistes : le sculpteur Anne-Marie Roux-Colas, le mosaïste et maître-verrier Auguste Labouret, la peintre Marthe Flandrin et bien d’autres, Sainte-Odile a été inscrite en 2001 dans son intégralité à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques. Elle a bénéficié d’une importante restauration en 2008 et a accueilli en 2022 une exposition dédiée à l’œuvre de Robert Barriot.
Arielle de Sainte-Marie
L’église Sainte-Odile à la porte Champerret dans le 17e arrondissement de Paris.